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Boules de stress et de crème glacée | Genevieve VB

Quand on m’a demandé d’écrire un billet sur l’anxiété, je me suis dit que ça n’allait pas être bon pour mon stress. Je ris, mais ça ne reste pas moins un sujet sérieux. En guise de partage, je me permets de témoigner à propos de mon quotidien avec un trouble alimentaire tendancieux.

De l’enfance aux balbutiements de l’âge adulte, j’ai trimbalée avec moi un surplus de poids. À l’adolescence, je me suis convaincue de remédier à ma situation de malaise. Malaise, parce que depuis aussi longtemps dont je me puisse me souvenir, proches et inconnus ne se sont rarement gênés pour me rappeler ma situation d’embonpoint. Au point que lorsqu’on tente de me convaincre que je suis « mince » aujourd’hui, je ne le crois pas : j’ai le sentiment d’être allée chercher le compliment et la personne en face de moi n’a pas eu d’autre choix que d’infirmer mon insécurité dans le simple but de ne pas me blesser. Un amour poli pour l’orgueil. Ainsi, le malaise que j’éprouvais envers mon corps s’est rapidement transformé en mal-être adipeux qui jusqu’alors ne s’est jamais vraiment estompé.

Ma puberté fut donc le théâtre d’une dramaturge graisseuse me mettant en vedette devant des spectateurs intransigeants à mes efforts. Régimes et cardio coloraient mes journées et l’angoisse de l’échec face à mes buts minceur montait plus vite que les chiffres baissaient sur la balance. La rechute fut inévitable : un lent retour à la case départ sur mes jambes trop lourdes.

Mon entrée à l’université avait suivi une dépression. Néanmoins, j’ai vu l’occasion d’aller de l’avant. J’ai finalement, au bout d’années d’improbable persévérance, de litres de sueur et de torrent de larmes, atteint le poids qui devait me sembler idéal. Mais encore à ce moment-là, encore aujourd’hui, l’insatisfaction règne : je suis grosse.

Je me suis donc mise à surveiller ce que je mangeais. Au moment où vous lisez ces lignes, je règlemente strictement mon alimentation. Glucides, lipides, sucres, protéines et calories… je calcule tous les paramètres parfaitement. Je bois du thé vert et beaucoup d’eau. Je cuisine pratiquement tout ce que j’ingurgite. Je sors très peu au restaurant. Je limite mes sorties et mes verres d’alcool. Tout pour maigrir ; rien pour grossir.

Or, les moments de stress, les trop longues journées et le montées d’hormones me donnent envie de consommer du gras et du sucre. Je me retiens. Mais, comme un ballon trop gonflé de principes, j’explose. Je ne mange donc plus, je m’empiffre. Je me dégoûte. Je pleure et me torture de tourmentes : « Tu te sabotes, tu n’y arriveras jamais… » Je revois l’ado de 13 ans qui ne possède comme seule ambition d’être mince. D’une minceur banale que ne l’on remarque pas. La jeune fille qui ne désire qu’avoir la paix par rapport à son physique. Je culpabilise alors à chaque cuillère à soupe de beurre d’arachides en trop. J’angoisse à l’idée de ne pas savoir combien de grammes de fromage sans lactose j’avale. Chaque « excès » se transforme en kilo.

« Arrête de tout compter », me conseillerez-vous. Malheureusement, je ne connais pas le juste milieu. Si je me laisse aller et mange comme bon me semble, c’est trop, inévitablement, et je me sens comme la pire des lâches. Lorsque je me contrôle, je m’apparente à une junkie qui refuse de sombrer dans le vice des boules de crème de glacée. C’est difficile.

Cependant, plus je parle de mon dilemme, mieux je le comprends. Je consulte d’ailleurs un spécialiste à ce sujet et il m’a dit : « Ton régime qui peut paraitre extrême pour plusieurs semble néanmoins ce qu’il te faut, car cela t’apporte un cadre ; une notion de contrôle dont tu as besoin. Le problème, serait plutôt la culpabilité qui t’envahi du moment où tu te permets de transgresser tes propres règles. » Il me recommande d’être plus indulgente envers moi-même puisque se faire plaisir, c’est aussi la santé.

Les personnes avec des troubles obsessifs alimentaires ne sont pas que celles qui s’affament ou qui vomissent. Ce sont aussi celles qui gèrent tout aux quarts de tour sans se laisser de répits. Si une personne souffrant d’anxiété se confie à vous, soyez bienveillants : la dernière chose qu’une personne malade ait besoin, c’est que l’on décrédibilise ses inquiétudes.

Genevieve VB



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  • Ginette Brunet le

    Tres bel article bravo Genevieve


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