Aujourd'hui, ça fait 12 ans qu't'es arrivé dans ma vie sans jamais en partir au complet. Ça fait 12 ans que t’as laissé une trace indélébile sur ton passage. Ça fait aussi 12 ans que j’me souviens de la date du 22 décembre parce que c’est un anniversaire que j’suis loin de vouloir célébrer, pis qui est surtout un peu trop lourd pour mon coeur pas mal déjà amoché.
Aujourd’hui, ça fait 12 ans que tu m’as violée.
Quand je vois la date du 22 décembre approcher, y’a plein de fébrilité partout dans l’air : certains y voient le congé des Fêtes, Noël, les derniers préparatifs avant de partir en vacances bien méritées… Pour moi, le 22 décembre a plus souvent qu’autrement été porteur de malheur, me rappelant le dénouement de notre brève rencontre de cette journée-là. Même si tout grouille autour à cause de l’effervescence du temps des Fêtes, ça gigote encore plus dans mon chest pis ça spin encore plus dans ma tête. J’essaie de mettre un masque de femme enjouée au quotidien, de faire des sourires aux airs sincères, d’avoir l’air emballée des festivités du temps des Fêtes qui approchent, mais au fond de moi, j’ai juste une envie : me réveiller le 24 au matin pour avoir passé par dessus ce moment-là de l’année.
On passe jamais vraiment par-dessus un viol sans avoir vu changer la personne qu’on est. Ma naïveté d’enfant a sacré le camp un certain 22 décembre et sa place a été comblée par la peur des hommes et du sexe, pis le doute s’est invité dans tous les beaux mots et les compliments que j’reçois. Mais surtout, la peur et l’angoisse ont teamé ensemble et se sont invités dans pratiquement toutes les sphères de ma vie me laissant overthinker toutes les situations possibles et imaginables en me faisant penser que j'suis en danger partout où j'mets les pieds.
12 ans plus tard, les rires sont toujours moins intenses; les pleurs tout le temps plus sentis.
J’pense qu’en essayant p’tit peu par p’tit peu de me remettre sur pieds, en essayant de bâtir de quoi de fort sur des bases chambranlantes, en tentant de créer du beau autour de moi pour que ça ait un genre d'effet miroir sur ma personne : j’ai réussi à me bâtir une vie que j’apprécie vraiment, même si ma tête essaie de me convaincre du contraire la moitié du temps.
Même si mes relations n'ont jamais été, ne sont pas et ne seront jamais parfaites, que tu fais ton apparition souvent, que je doute de tout le monde, que ma confiance en moi est pas au top et que je sélectionne le peu de confiance qui me reste à donner aux autres, j’pense finalement avoir appris à mieux vivre avec ce boulet-là qui m’empêchait d’avancer depuis longtemps pis qui me faisait avoir peur de tout et de rien.
Étrangement, même si j’ai des flashback des événements pis que j’suis incapable de faire des nuits complètes depuis belle lurette, aujourd’hui, tu viens moins me chercher qu’avant.
12 ans, c’est long quand on passe 9 ans à rien à personne pis à garder ça en dedans comme un vieux souvenir. Aujourd’hui, j’ai envie de te dire que t’as pu l’upper hand sur moi. J’ai envie de te dire que ça fait 12 ans que t’as fait des ravages pis qu'étrangement, même si je m’attendais a passer ma journée à pleurer toutes les larmes de mon corps en repensant au mal que tu as fait à moi pis à toutes mes relations passées, j’pense avoir trouvé la force de te dire - pis surtout de me convaincre -, que c’est fini.
J’ai envie de te dire que le mal est fait, que même si j’connais pas ton nom, que mon cerveau a oublié ton visage à quelques exceptions de souvenirs insignifiants près, que t’as pas mal ruiné toute forme de confiance en moi que j’avais, que t’es le principal dénominateur commun de mon anxiété, de mes peurs et de mes envies de ne plus exister : maintenant j’ai envie de fermer le livre d'la peur dont t'étais l'auteur. J'ai envie de me faire le plus beau des cadeaux, pis j’ai envie d’me prouver que j’suis plus forte que le lâche que t'es.
J'sais que tu vas réapparaitre ici et là de temps en temps comme tu l'fais depuis 12 ans, mais maintenant c'est à moi d'être forte et de prendre mes souvenirs comme carburant pour te montrer à quel point t'es un bon rien pis que tu ne voleras plus jamais aucun de mes sourires. En écrivant ces dernières lignes-là, j'souhaite que ce soit les dernières larmes que tu me feras verser.
Je sais que le chemin vers la guérison d’ma tête et d’mes angoisses va virer encore loin, mais si j’prends une p'tite pause pour reprendre mon souffle et regarder la route parcourue pour en arriver jusqu'ici, le 22 décembre 2018, j’pense que y’a de quoi être fière, un peu.